Pour que ces familles mangent

Au début du confinement, beaucoup de Malgaches ne pouvaient rester confinés chez eux car ils n’avaient pas les moyens de constituer des provisions. Les autorités sanitaires et gouvernementales avaient exigé à ce moment-là l’isolation stricte de chaque famille dans son foyer pour lutter contre le covid 19, comme un peu partout dans le monde.

​J’aime les gens et leur histoire m’intéresse. Par ailleurs, je pense sans cesse aux moyens dont ma vie et celles de mes concitoyens peuvent être améliorées. Dans ce sens, ma contribution en tant que photographe est de montrer les choses, de véhiculer des messages. Pour moi c’est à la fois une responsabilité en tant qu’être humain vivant en société, une conscience envers mon prochain et aussi une fierté en tant que Malagasy de soutenir mes compatriotes.

​J’ai donc commencé à prendre des portraits des personnes sans ressource pendant le confinement.

Mon expérience dans la photographie sociale, depuis plus de 10 ans, m’aide pour l’approche et le « traitement » de ce projet.

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Leurs visages expriment une réalité, le présent. Ces personnes vivent dans une situation précaire dans les quartiers populaires d’Antananarivo, capitale. Mais elles sont également représentatives de cette majorité de la population de Madagascar.

A Madagascar, plusieurs articles de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ne sont pas respectés. Notamment « le droit au travail (art. 23.1) et à une rémunération  satisfaisante lui

assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine » (art. 23.3), ainsi que le droit à « un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé,… les soins médicaux » (art. 25) Par ailleurs, « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ». Mais cette dernière est inexistante sur le territoire malgache.

​Je pense que l’Etat joue un rôle majeur dans l’amélioration des conditions de vie de ses citoyens; par exemple au niveau de l’éducation civique de chaque Malgache, qui est cruciale, ou pour différentes formations qui permettraient aux gens de s’adapter aux emplois existants. Cependant, il appartient à chacun de faire des efforts pour respecter les règles de la société, avec ou sans l’aide de l’Etat. Selon moi, pour que demain soit meilleur qu’hier, l’éducation doit mener vers l’autonomie progressive de chaque famille.

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Je pense à un projet d’agriculture urbaine car ces familles vulnérables n’ont pas de terrain pour planter. Donc, nous allons faire des plantations verticales, occuper tous les espaces disponibles, et pourquoi pas les murs et les toits de leurs habitations.

Actuellement, mon action se situe à une petite échelle, celle de mon entourage et de quelques quartiers d’Antananarivo. Mon objectif est de rendre ces bénéficiaires autonomes économiquement dans la durée. Cette initiative leur permettra de cultiver et de vivre de leurs propres légumes mais, avant tout, elle contribuerait à nourrir la population. Ainsi ils pourront réduire leurs dépenses et aider à l’éradication de la faim localement.

Par la suite, les initiatives pourront être répétées et étendues géographiquement à une ville, une région… Voire cela peut devenir une stratégie de l’état pour lutter contre la pauvreté. Car si la population mange à sa faim, on pourra s’attaquer à d’autres challenges comme l’éducation.

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Mon action vise à venir en aide à des familles défavorisées. Dans un premier temps, j’ai choisi de leur faire des dons directs de nourriture et de PPN. Après l’avoir annoncé aux premières familles concernées le 29 mars, j’ai commencé les distributions à partir du 30 mars. C’est une aide ponctuelle qui a duré 4 semaines pendant lesquelles chaque famille recevait sur une base hebdomadaire un colis dont le contenu varie. Il y a toujours du riz, agrémenté, en fonction des semaines, d’autres produits : de l’huile, des légumes, des œufs, du sel, du savon… Bref de quoi se nourrir et se laver pendant 1 mois, et oublier quelques soucis pendant cette période.

Ce sont des familles dans lesquelles les parents ne pouvaient plus exercer leur activité depuis le confinement. Il s’agissait souvent de petits boulots : par exemple lessiveuses pour les femmes ou maçons pour les hommes. Il y a aussi des veufs ou veuves. Ces familles élèvent au minimum 2 enfants et ont parfois jusqu’à 6 enfants à charge.

​J’ai donc mis mes photos au service de la solidarité, en les vendant à prix préférentiel et en recueillant des fonds pour l’action « Pour que ces familles mangent ». Et ainsi permettre de les aider. Pour chaque photo vendue, j’ai offert 5kg de riz et 1l d’huile à une famille. C’est ce que je pouvais faire sans attendre.

Et pourtant ces gens rêvent d’un avenir meilleur, pour eux et leurs enfants. Simples en apparence, ils nous renvoient à des choses fondamentales; l’hygiène, l’éducation, la nourriture, … Sans doute à l’ opposé d’un Madagascar futur peuplé de technologie et qui se conjugue avec une société de consommation de plus en plus envahissante. Leurs visions nous « ramènent sur terre ». Pourtant, ce sont toujours des rêves car ces parents n’entrevoient souvent pas d’issue à une situation qui perdure.

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L’impact immédiat est de fournir à ces familles de quoi subsister. Mais le véritable impact positif va plus loin. C’est de rendre chaque famille indépendante en les formant petit à petit à voir plus loin, à se débrouiller. C’est un projet à long terme qui nécessite l’entraide.

​Nous sommes nombreux à pouvoir aider, parfois même sans en avoir conscience. Et j’aimerais faire prendre conscience à chacun qu’il ou elle a la capacité d’aider, d’agir selon ses moyens et l’on peut commencer tout de suite.

​C’est le fondement même du fihavanana. Et comme le disaient nos ancêtres, « Herikerika mahatondra-drano », ce sont petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Donc, l’action de chaque citoyen aura, au final, un impact exponentiel sur l’ensemble de la population (dans sa famille, dans son quartier, dans son pays …)

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Pour donner une voix à ces parents, nous enregistrerons leurs réponses aux questions sur l’avenir. Ces visions seront diffusées pendant l’exposition. Ce fond sonore apportera au visiteur une  expérience plus immersive de l’œuvre.

​Ce projet a débuté à Antananarivo. Je pense le poursuivre dans divers quartiers de la capitale. D’autre part, si je dispose des moyens nécessaires, je projette également de réaliser des portraits et des photos des rêves de personnes en province, lorsque les conditions sanitaires et le déconfinement le permettront.

​Je suis convaincue que la philosophie de la solidarité contribue grandement à la réussite économique du pays. Si l’on m’aide et que je réussis, en retour, j’aurais envie, moi aussi, d’aider d’autres personnes à s’en sortir. Et cet esprit d’émulation et d’entraide participe à créer un cercle vertueux qui va finir par dynamiser l’ensemble du tissu économique de Madagascar et contribuer à son développement.

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J’invite toutes personnes qui seraient intéressées à contribuer ou à faire avancer cette initiative, et aider leurs compatriotes à agir selon ses moyens. Je continue à vendre mes photos pour financer ce projet qui, j’en suis sure, améliorera les conditions de vie de ces familles.

Ensemble on est plus fort. 

Viviane RAKOTOARIVONY, Photographe profesionnelle et membre du Club Rotary Tsimbaroa

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